Vous avez sauté le pas et décidé de devenir MJ, soit meneur de jeu.
Première étape: acheter votre premier jeu de rôle... Courage, cela va bien se passer...
Les présages sont bons: le métro n'est pas en grève, la petite amie est encore en vacances... et la grand-mère a été généreuse... Mais soudain, c'est l'angoisse: quel jeu choisir? Du calme, ce n'est pas si dur, il suffit de se poser les bonnes questions...
Et prenez des notes, je de répéterai pas!
Ça ressemble à quoi un jeu de rôle?
Un jeu de rôle, c'est avant tout un gros livre ou une grosse boite avec plein de choses à lire. Il contient les règles de simulation et le «monde», c'est-à-dire l'environnement de toutes les histoires qui peuvent être jouées avec lui.
Important à savoir: contrairement aux autres types de jeux, le jeu de rôle nécessite, en plus du «gros livre de hase», d'être complété par un certain nombre de «suppléments».
Les plus nombreux sont les scénarios (les histoires). Une histoire peut en effet être jouée en une seule séance, ce qui oblige à acheter ou inventer une nouvelle histoire à chaque partie. Il y a aussi les suppléments apportant plus d'informations sur le monde (des descriptions plus détaillées, de nouveaux pays, peuples, etc.) ou, beaucoup plus rares, sur les règles. Il ne faut pas oublier «l'écran de jeu», un paravent de carton qui sépare le meneur de jeu des joueurs. Il rassemble le résumé des règles de simulation côté MJ et sert à cacher les plans et le scénario aux regards indiscrets des joueurs.
En fait, c'est moi un jeu de rôle pour MJ débutant?
Un bon jeu pour MJ débutant est un jeu:
- qui est édité en français;
- dont les règles sont à la fois bien expliquées et pas trop compliquées;
- dont le monde est facilement assimilable;
- et qui dispose déjà de nombreux scénarios. Les règles des jeux récents sont en général simples et peu volumineuses. La tendance actuelle est en effet de privilégier l'ambiance au réalisme de la simulation. Les jeux plus anciens sont plus compliqués. La plupart d'entre eux ont rejoint le rayon dinosaures dans les couches fossiles des ludothèques.
Il en reste cependant quelques-uns en liberté: le célèbre Donjons & Dragons (alias AD&D), Rolemaster, Gurps, Rêve de Dragon... Inutile de se faire peur avec, vous y toucherez quand vous serez plus aguerri!
Au niveau du monde, du cadre des aventures, chaque jeu de rôle en développe un, avec la plupart du temps un grand luxe de détails. Il y en a de totalement originaux (Rêve de Dragon, Warhammer, Château Falkenstein...) et d'autres tirés de romans ou de films (L'appel de Cthulhu, Ambre, Star Wars...). Le plus simple pour un premier achat est de choisir un jeu inspiré d'une oeuvre. L'accès est en effet plus facile. Le contexte étant connu, le MJ peut se concentrer sur les règles. Quant aux joueurs, ils entrent, pour la même raison, plus facilement dans la peau de leurs personnages. Il est plus facile de jouer un contrebandier comme Han Solo dans l'univers de Star Wars que de jouer un Hybride, membre de la Confrérie rouge au sein du grand empire stellaire des Mille Soleils. Méditez cette pensée, mes frères...
Les trucs à savoir avant...
La couverture vous plaît! Le thème vous branche! Il y a plein de dessins de fifilles peu vêtues à l'intérieur! Stop! C'est le moment de prendre un peu de recul et d'avoir un regard critique. Et posez-vous quelques questions. Après vous ferez ce que vous voudrez...
Est-ce que ce jeu contient tout le nécessaire pour jouer?
C'est LA question à poser. Là, pour jouer tout de suite, immédiatement, le MJ doit avoir: les règles de simulation, la description du monde (ces deux éléments étant le plus souvent regroupés dans un gros livre ou une grosse boîte de base), un écran de jeu, des dés et au moins d'un scénario d'aventure.
Il manque régulièrement quelque chose. Ce sont souvent les dés et l'écran de jeu, parfois aussi l'aventure. Si ce n'est que cela, on peut se débrouiller: récupérer des dés ailleurs, feuilleter les règles pour repérer les tableaux importants (en faire des photocopies), trouver une aventure dans un numéro de Casus.
De temps en temps, c'est le monde qui n'est pas complet, ou bien il faut carrément l'acheter à part. C'est rare, mais ça arrive (Gurps, AD&D). Prudence, donc: n'hésitez pas à poser la question au vendeur!
Et la suite?
Dans la boutique, repérez l'endroit où est rangé le jeu et comptez le nombre de suppléments parus pour lui. Plus y en a, mieux c'est... et pour deux raisons.
Cela veut d'abord dire que le jeu a du succès et que vous aurez de quoi jouer pendant longtemps. Cela veut dire aussi que beaucoup de gens y jouent déjà, et donc que vous trouverez facilement, dans des clubs ou des boutiques, des gens pour vous expliquer des points précis ou même jouer.
Est-ce un jeu en français ou en américain?
Seules les grosses pointures américaines sortent en français, ce qui veut dire que lorsque le jeu traduit parait, il existe déjà toute une flopée de suppléments en v.o. Par exemple, Gurps dispose d'une demi-douzaine de suppléments français et de plus de cent aux États-Unis! Si vous connaissez bien l'anglais, vous pouvez puiser dans cette manne, sinon il ne vous reste qu'à prier pour qu'elle soit traduite.
Est-ce un jeu à «archétypes»?
Là, on entre dans des considérations de règles. Pour un débutant, joueur ou meneur de jeu, le plus difficile est de créer un personnage, parce qu'il y a plein de paramètres à prendre en compte et parce qu'il faut bien connaître le monde (donc avoir joué) pour créer un «bon» personnage. Bref, c'est pas simple.
Des jeux comme Star Wars, Shadowrun ou Oniros proposent des archétypes, c'est-à-dire des types de personnage pratiquement tout faits. Il ne leur manque qu'une petite touche personnelle et un nom pour se jeter dans la partie. Facilité, jouabilité.
Des thèmes et des jeux
Les grands thèmes du jeu de rôle sont les mêmes que ceux des romans ou du cinéma d'aventure, soit le médiéval-fantastique, l'horreur, la science-fiction et l'espionnage...
Il y a trop de jeux pour que nous puissions tous les présenter ici. Nous avons donc sélectionné les principaux, choisissant les titres facilement disponibles en français, qui sont soit des adaptations d'oeuvres connues, soit des jeux vraiment orientés débutants.
Château, dragons, magiciens et chevaliers
Le médiéval-fantastique est le thème le plus ancien du jeu de rôle et, de loin, le plus représenté. Malheureusement, il n'offre pas de choix évident pour un MJ débutant, tous les jeux existants ayant leurs défauts. Désolé...
Le Jeu de Rôle des Terres du Milieu (Hexagonal)
C'est l'adaptation du célèbre Seigneur des Anneaux. Le jeu date un peu et n'est pas vraiment fait pour les débutants: trop de règles et une présentation confuse. Cependant, les suppléments sont nombreux et, si vous aimez J.R.R. Tolkien, c'est LE jeu. A noter que l'on ne joue pas pendant les événements des romans, mais un peu avant, détail qui peut gêner un puriste.
Gurps Conan (Siroz)
L'adaptation de l'oeuvre de Robert Howard est fidèle, mais le jeu n'est là non plus pas orienté débutants.
Les règles sont nombreuses, et surtout il y a peu de scénarios parus, ce qui oblige à inventer rapidement des histoires (et c'est un grand défi pour un débutant!).
Elric, Hawkmoon (Oriflam)
Avec ces jeux on entre dans le monde de Michaël Moorcook, un autre monstre sacré du médiéval-fantastique. Le système de règles est simple et les suppléments honorablement nombreux. De plus, la revue Tatou publie régulièrement des scénarios. Ces jeux peuvent convenir à des débutants, même s'ils n'ont pas été conçus clans ce sens.
Warhammer (Descartes Éditeur)
Développant un monde original assez violent. Warhammer est un jeu simple et riche qui dispose de nombreux suppléments. Son seul défaut est que son monde est original, ce qui oblige à l'apprendre.
Oniros (Multisim)
Ce jeu est spécifiquement écrit pour les débutants. C'est la version «allégée» du jeu Rêve de Dragon, dont les scénarios peuvent être utilisés, C'est un jeu à archétype, d'où simplicité de la création de personnage, et trois aventures sont fournies de base. La seule chose compliquée est la magie. Il a le même défaut que Warhammer: son monde est original.
Un mot sur Donjons & Dragons
On ne peut pas parler de médiéval-fantastique sans dire un mot de AD&D, le dinosaure en chef des jeux de rôle, à la fois le plus vieux et le plus connu. Les règles sont nombreuses et c'est surtout le plus incomplet des jeux: entre les différents suppléments «indispensables», c'est pratiquement une bibliothèque qu'il faut acheter avant de commencer à jouer... Ce n'est donc pas vraiment un jeu à conseiller aux débutants.
Vampire, loup-garou, sorcier et monstres indicibles
L'horreur est un autre thème important du jeu de rôle. Il vient tout juste après le médiéval-fantastique, mais le choix n'est pas très vaste.
L'appel de Cthulhu (Descartes Éditeur)
Lovecraft est l'un des grands maîtres de la littérature d'horreur. Son oeuvre a inspiré un jeu qui en France est aussi connu que AD&D.
Bien qu'il ne soit pas vraiment fait pour, L'appel de Cthulhu a de nombreux avantages pour un débutant: les règles sont simples (la création de personnage est un modèle de clarté), le monde est facile
d'accès (les années 1920) et les suppléments sont très nombreux. De plus, il occupe une place à part. C'est avant tout un jeu d'ambiance et d'enquête avec peu de combats, ce qui privilégie (au niveau des personnages) la logique et la déduction à la force brute. Ce jeu est, par excellence, à conseiller à des joueuses, surtout pour une première partie.
Vampire (Hexagonal)
Les romans d'Anne Rice (Entretien avec un vampire) ont inspiré ce jeu. Les personnages sont des
vampires évoluant à notre époque, aux États-Unis. C'est un jeu d'ambiance aux règles simples. Il a derrière lui pas mal de suppléments, dont bon nombre en anglais. A conseiller à ceux qui préfèrent jouer du côté noir. Plaît aussi aux filles.
Il existe aussi un jeu sur les loups-garous avec les mêmes règles que Vampire (Loup-garou; Hexagonal).
Deux extrêmes
Parmi les jeux tirés d'oeuvres littéraires, Descartes a aussi publié: Thoan, d'après le saga des Homes-Dieux de P.J. Farmer et Ambre d'après Roger Zelazny.
Mais un MJ débutent devra attendre pour les découvrir, car les règles du premier sont nombreuses et très simulationnistes, et le second ne guide pas beaucoup le meneur de jeu.
Planète, hyperespace, matrice et laser
La science-fiction est un peu le parent pauvre du jeu de rôle. Elle peut difficilement aligner le dixième des titres comparé au médiéval-fantastique. Le choix est donc réduit, voire nul.
Star Wars (Descartes Éditeur)
Qui ne connaît pas la trilogie de George Lucas! Côté clair de la Force: le jeu de rôle est fidèle à l'oeuvre, les règles sont simples, les suppléments et les scénarios nombreux, les personnages sont créés par archétypes. Du côté sombre: plusieurs suppléments sont nécessaires pour jouer, on lance beaucoup de dés, jusqu'à 10 ou 20 à la fois et les règles de combat spatial sont lourdes. Cela dit, c'est le seul jeu de science-fiction accessible aux débutants.
Un mot du cyberpunk
Plusieurs jeux utilisent ce thème d'anticipation (Cyberpunk, Shadowrun, Gurps Cyberpunk), mais aucun n'est tiré d'une oeuvre littéraire (quoique presque tous fassent référence à Neuromancier, de William Gibson). De plus, la Matrice et le côté très technologique du thème rendent l'abord difficile. À garder pour plus tard.
Double zéro et Walther PPK
L'espionnage est l'autre parent pauvre du jeu de rôle. Il n'y a en français qu'un seul jeu, mais ce n'est pas le moindre et, de toute façon, il est parfait pour débuter.
James Bond 007 (Descartes Éditeur)
Palaces, panache, savants fous, belles voitures et jolies filles, voilà l'ambiance de ce jeu, tout à fait fidèle aux films qui tous ou presque font l'objet d'un scénario de jeu. Il y a plus simples comme règles, mais elles sont bien expliquées. Pour ceux qui apprécient Sean et le flegme britannique, c'est le jeu pour débuter.
Plus c'est accessible, moins c'est accessible
Les règles courtes et simples laissent le novice se débrouiller seul dans tous les cas particuliers. Mais des règles complètes et guidées, donc longues, dépassent ses capacités d'assimilation... A vous de trouver votre voie entre ces deux tendances!
Deux trucs en plus...
- Combien ça coûte? Un jeu de rôle vaut entre 200 et 300F, un écran de jeu 100F, un supplément de jeu entre 100 et 200F et un dé spécial (d10, d8, d20, etc.) 5F. Pour les résidents de Krasnoiarsk, il faut évidemment convertir en roubles (prévoir la brouette) et pour les indigènes d'Irian Jaya en jolis coquillages marbrés... ou en sel.
- Où acheter des jeux de rôle? Les jeux de rôle sont vendus dans des boutiques spécialisées. Il y en a une petite centaine en France, surtout à Paris et dans les principales grandes villes. Elles sont tenues par des gens qui connaissent leur domaine. N'hésitez pas à leur demander conseil...
Pour ceux d'entre vous qui sont exilés aux Kerguelen, il existe des boutiques de vente par correspondance.
Simulacres, le jeu d'initiation de CASUS
Depuis plusieurs années, Casus Belli développe son propre jeu pour débutants: Simulacres. Il s 'agit d'un jeu un peu spécial dit «multi-mondes». C'est-à-dire que son système de règles peut s'adapter à tous les thèmes. Plusieurs univers complets (Cyber Age, Capitaine Vaudou, Sang-Dragon...) sont parus chez Descartes Éditeur ou en hors-série Casus. Simulacres a des règles simples, dispose d'un suivi dans Casus et a surtout l'immense avantage d'être bien moins cher que les autres jeux.
Il est conseillé à ceux qui «veulent voir» sans trop s'engager.
Alors jetez-y un coup d'oeil, sinon, ça servirait à quoi que Casus y se décarcasse...